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| Le GR 20 : Un chemin d'histoire et de légendes |
L'un des sentiers de randonnée les plus courus d'Europe, le GR 20 chemine, du nord au sud, sur les crêtes de Corse. Il recèle sa propre histoire et sa propre légende, superposées à l'histoire et aux légendes de l'île.
Une histoire tracée par la volonté des hommes
Parmi les émigrants polonais du début du siècle, la famille Fabrikantovitch s'installe en France et s'intègre si parfaitement à son nouveau pays qu'elle lui donnera un amiral.
Dans les années soixante, Michel Fabrikant, amiral de la flotte en délicatesse avec les options du président de la République de l'époque, est rendu à la vie civile. Préretraité forcé, mais actif, il décide de visiter des cousins installés en Corse et de se livrer à son activité favorite, la randonnée pédestre.
C'est à cet infatigable randonneur que l'ingénieur des forêts, Degos demande, en 1965, d'étudier une grande traversée de la Corse par les arêtes montagneuses.
Michel Fabrikant s'y emploiera inlassablement en redécouvrant des tracés que Jean Loiseau (1) avait établis quinze ans plus tôt et rassemble son travail dans le Guide des montagnes corses.
Né de l'imagination et de l'amour que quelques hommes ont porté à la nature, le GR 20 sera inscrit dans la charte du Parc naturel dès 1971. Mais dans un scepticisme général et grâce à la volonté de François Giaccobi, premier président du Parc, que seront attribués les premiers crédits nécessaires à sa réalisation.
Aujourd'hui, le GR 20 parcourt, sur près de 200 kilomètres, des paysages d'une beauté sans égal. Issu du rêve de quelques précurseurs et du travail assidu des agents du Parc naturel de la Corse, il emprunte parfois les chemins traditionnels de la transhumance et rencontre souvent la légende et l'histoire des lieux qu'il traverse.
Au croisement de la tradition et des légendes
Les habitudes des bergers ont tracé, avec discrétion, leurs lignes de conduites dans le relief. Les sentiers traditionnels de basse et moyenne altitude, bordés de murets, sont souvent repris comme liaisons avec le GR 20. Ils conduisent aux bergeries empierrées sur des lits de fougères et content, au rythme des pas du randonneur, la vie de ce berger que le désespoir d'avoir perdu sa promise a transformé en roc. A moins que le vent du soir du Niolu ne lui souffle la légende du diable en fureur qui troua la montagne en lançant le soc de sa charrue en direction du soleil. Alors, au travers de ce trou béant de trente cinq mètres de large et douze de haut qu'on nomme U Capu Taffunatu (2), on peut admirer, deux mille trois cent mètres plus bas, le coucher de soleil sur la mer de Balagne.
Ces récits des hommes, qui animent la beauté naturelle des paysages, accompagnent le randonneur au long du parcours. En arrivant dans le centre de l'île, il entendra l'histoire de Circinellu, prêtre du village de Guagno, qui refusa la défaite des armées de Pascal Paoli et fut retrouvé mort dans une grotte, serrant contre sa poitrine une croix et un fusil. Peut-être même un habitant lui glissera-t-il qu'il connaît, lui et lui seul, l'emplacement de la grotte où mourut le prêtre. Le soir venu, sur les flancs du mont Alcudine, dans les derniers rayons du jour, il sera surpris par ce reflet scintillant de pourpre et d'argent qui, d'après une légende, est celui de l'Agramanti, un mauvais génie qui hante la région de Zicavo et qui doit son nom au chevalier Sarrasin, Agramente.
Ainsi, l'imaginaire soutiendra-t- il ses pas et rendra sa marche plus légère. Mais si le GR 20 serpente dans la mémoire de la Corse, il est surtout le plus beau chemin de découverte de la flore et de la faune insulaires.
Du haut du ciel, dans l'ombre des hêtraies ou depuis les cimes rocheuses, le regard curieux ou inquiet des grands rapaces, des renards, des loirs, des sangliers, des salamandres suit le cheminement du randonneur ! Ce sont les habitants de ce palais de feuillages, de roches et d'eaux limpides qui accueillent aussi des hôtes de marque. Le premier d'entre eux, le mouflon de Corse, promène allégrement ses cinquante kilos (pour les mâles) dans des exercices d'escalade comme un défi permanent à la pesanteur. Les principales zones de population du mouflon se répartissent entre les massifs du Cintu et de Bavella, mais son observation impose énormément de patience et de silence. Comme celle d'un aigle royal ou d'un gypaète barbu dans leur vol prédateur.
Faute d'avoir pu surprendre ces espèces mythiques de la faune insulaire, le randonneur du GR 20 peut encore apprécier les senteurs d'une flore sauvage aussi variée que surprenante dont les
orchidées pourpres de Bocca Palmente (3) sont l'exemple le plus caractéristique. Elles ajoutent la délicatesse de leur fragrance aux envoûtants parfums du maquis dont Napoléon disait qu'ils lui faisaient reconnaître la Corse avant même d'en apercevoir les côtes.
Des précautions et une préparation préalables
Mais, découvrir le GR 20, c'est aussi savoir garder les pieds sur terre. Qu'il s'agisse d'une randonnée ou d'une tranquille promenade, cela demande un minimum de préparation afin de savourer pleinement la beauté des sites. La montagne n'a pas de maître.
Le GR 20 démarre de Calenzana, en Balagne, et s'étire en diagonale au travers de l'île pour se poser à Conca, au-dessus de Porto-Vecchio. Accessible à partir de différents cols et villages, il peut aussi être pratiqué pour de courtes randonnées, mais requiert en permanence un bon entraînement ainsi qu'un équipement bien adapté à la marche. Son parcours reste l'un des plus sportifs d'Europe !
Aussi le randonneur doit penser à se munir d'eau et d'aliments énergétiques. Il lui faudra aussi respecter les règles élémentaires concernant la préservation de l'environnement. C'est ainsi que les feux et bivouacs sont strictement interdits en dehors des refuges. La cueillette de fleurs et de plantes est également déconseillée. Les déchets doivent être déposés aux endroits prévus près des refuges. Ces contraintes permettront de conserver une nature fragile qu'il nous faut sauvegarder pour les générations futures.
Quelle que soit la durée prévue de la randonnée, il ne faut pas oublier que la montagne est une force que nul ne maîtrise, d'où l'impérieuse nécessité de se renseigner auprès des services de la météorologie et auprès du Parc naturel régional de la Corse avant le départ.
Et maintenant, fermez les yeux et enivrez-vous des parfums d'arbousier et de bruyère, des fragrances de lentisque et de myrte du maquis corse.
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